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C’est un homme qui recherche la simplicité. Il considère le métier d’écrivain qu’il pratique depuis plus de 25 ans comme un labeur d’artisan. « Je n’en fais pas toute une histoire ! », affirme-t-il à ses interlocuteurs venus des médias, de plus en plus nombreux, au fur et à mesure que son œuvre se diffuse à travers le monde, suscitant un grand engouement auprès des critiques et des lecteurs. Réédité en janvier 2024 en Folio-Gallimard, son Roitelet – où une empathie hors du commun circule entre deux frères dont l’un est schizophrène – fait partie de ces livres dont la lecture suscite un fort désir de partage : on le recommande, il circule de main en main. C’est un viatique sur le chemin de nos vies trop souvent percuté par des comètes annonciatrices de malheur, qui ont pour nom schizophrénie ou cancer. Sous la plume de Jean-François Beauchemin, elles servent de révélateur à la beauté tragique du monde.

Aux portes de la mort

L’auteur québecois s’est lui-même retrouvé, en 2004, dans le coma, aux portes de la mort. Sa conception du monde et de la vie en a été profondément modifiée. Il a pris son envol du côté de la légèreté, de la célébration de la merveille de l’instant, de la vérité de la poésie, mais aussi de la profondeur de l’âme et du corps éprouvé « comme un assemblage d’atomes venus du ciel ».

Le roitelet, 2021

« Fendre le ciel de ses pensées, et se sentir léger malgré l’adversité. Voilà toute l’entreprise du narrateur [du Roitelet], enveloppé dans le tissu des jours qui déclinent, la soixantaine venue. » (Martine Landrot, Télérama).

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L’amour, la joie en réponse au tragique de l’existence

« Mais je ne souhaite pas parler de moi-même, répond J.F. Beauchemin dans Le vent léger, ce que je voudrais, mais sans forcer personne, c’est qu’on retienne surtout ceci : il faut aimer, aimer de toutes ses forces, à tort et à travers. Et si l’amour cesse, il faut recommencer ailleurs, malgré les bruits de scie ».

Les très courts chapitres de ses livres (63 pour Le Roitelet, 83 pour Le vent léger) sont comme des saynètes saisies avec dans la vie quotidienne de personnages qui ne cessent de poser des questions à la vie, à la beauté, à l’âme, éprouvant un irrépressible besoin de Dieu et entourant leurs proches saisis par la souffrance, d’attentions sensibles, de douceur aimante, mais aussi d’un humour salvateur.

J-F-Beauchemin-le-vent-leger | Aliette Armel
Le vent léger, 2023

J.-F. Beauchemin vit dans les montagnes et les forêts des Laurentides. La famille décrite dans Le Vent léger vit, elle, à la campagne, au milieu des collines que les parents et les six enfants arpentent sans cesse.

« La présence de la nature, des animaux, de la campagne, est une constante dans mon œuvre. Pour moi, la campagne, la vie naturelle a toujours été un sujet très inspirant. » J.-F. Beauchemin

« L’état de santé du vaste monde »

Son écriture poétique est en permanence métaphorique : dans Le Vent léger, la vie d’une famille unie, aimante, sans histoire jusqu’à ce que le cancer se diffuse dans le corps de la mère, devient l’emblème de toute une génération, celle du début des années soixante-dix, époque de tous les possibles, de l’espoir dans le futur malgré la violence (la mort du ministre du Travail enlevé par le Front de libération du Québec ou la guerre du Vietnam). L’esprit de communauté et d’entraide, le refus, par certains, du pouvoir de l’argent, préservent la confiance dans « la déchirante douceur du monde » (Gabriele Napoli, En attendant Nadeau).

L’épilogue du Vent léger se situe à l’automne 2021. À rebours des pratiques mettant en péril « l’état de santé du vaste monde », il est un hymne à une manière de vivre fondée sur l’abandon des « émotions troubles, celles par exemple reliées à la possession ou à l’ambition », sur la lutte « contre cette tangente que prend la société en faveur de l’amertume, du ressentiment, du mépris et de la violence morale [considérées] comme les choses les plus inquiétantes qui soient ». Il célèbre la poursuite inlassable du dialogue entre « gens qui s’aiment et aiment s’asseoir à une table pour discuter de choses banales, de la maison, du potager, de la lumière du soir sur les collines, de musique, de littérature, de leur santé, de la vie et de la mort. »

Références

  • Jean-François Beauchemin, Le roitelet, Folio, n°7304, 2024
  • Jean-François Beauchemin, Le vent léger, QuébecAmérique, 2024
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  1. Catherine de maupeou 19 février 2024 à 22 h 06 min-Répondre

    Jean François Beauchemin a enchanté mon année 2023 et ce début de 2024 … j ´ ai lu le roitelet , et puis , j ´ ai continué de lire ses autres livres … il y a les coups de foudres amoureux , et puis parfois , des coups de foudre littéraires … le lire est un cadeau , un bonheur , une énorme chance , je ne saurai comment le dire avec des mots simples ! Merci à lui pour l ´ amour , la joie , la nature , les couchers de soleil , merci pour camus et pour tous les siens ! Grâce à ses écrits , j ´ ai réfléchi , et j ´ espère un peu grandi ! Il existe des etres qui parlent à notre âme … c ´ est tellement précieux !

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