Le son bascule et le corps vibre. L’ivresse de la danse célèbre la vie. Le couple renait en même temps que le jour.

Le petit-déjeuner s’achève. Il y a la musique en fond sonore, une de ces musiques douces et enveloppantes qui invite à la lenteur. C’est un dimanche matin tranquille. En face de moi, elle s’étire sur sa chaise, le corps arc-bouté vers l’arrière, les yeux encore gonflés de sommeil. Le dessin de ses seins ronds tend le tissu du t-shirt. J’aime ce corps.

Chaque jour, c’est moi qui choisis la musique. Ça n’est pas que je sois plus mélomane qu’elle, ça s’est simplement fait ainsi. Je sais ce qu’elle aime, je connais ses réactions. Elle écoute la musique avec tout son être.

Le son bascule. Adieu Vivaldi, Bach et Schubert. Nous débarquons dans les années 90.

Elle est là au milieu du salon, les yeux mi-clos. Son corps frémit en rythme. Ca commence au niveau des épaules. Les bras, les mains suivent en haletant. Elle décolle. Je la regarde sans m’approcher, je ne veux pas l’interrompre. Elle est là et déjà loin. Tout son corps est secoué par le tempo, elle n’est plus que cordes vibrantes. Les mouvements spontanés ne sont pas hasardeux, c’est une chorégraphie improvisée assurée. Elle bascule et tourne à s’étourdir. L’équilibre semble précaire et pourtant elle accélère. Elle tombe en avant les mains au sol, un instant de pause dans cette transe. Elle ouvre les yeux et me regarde. Elle sourit malicieusement, une invitation à la rejoindre. Nos deux corps se frôlent, se caressent et s’éloignent. Je la fais tourner, virevolter : c’est ce qu’elle préfère, se saouler de tours jusqu’à l’épuisement final, la dernière note. Elle bascule en arrière, s’offre à mes bras, je n’ai qu’à la retenir, ralentir la chute. La gorge déployée vers l’arrière, elle rit. Tenir quelques instants cette pose, se délecter de ce qu’il vient de se passer. Elle jubile, la tête en bas.

La journée peut commencer.