Andréa-Veiller sur elle-Iconoclaste ï Aliette Armel

Au centre du paysage et du palais représentés sur la couverture du livre brille une lumière d’or. À la fenêtre d’une chambre du palais Orsini, la flamme d’une lanterne annonce les entrevues secrètes entre Viola et Mimo et rythme l’avancée de leurs existences tumultueuses.

Un univers romanesque de belle ampleur

Depuis Ma reine (L‘Iconoclaste), en 2017, Jean-Baptiste Andréa s’attache à décrire la chaîne des causalités permettant à des êtres hors-normes de se lever, d’échapper à leur environnement originel pour accomplir ce à quoi leur vraie nature les destine, au-delà des conventions, des tabous et des violences qu’ils suscitent en opérant des mutations fulgurantes.

Avec Veiller sur elle (L’Iconoclaste), prix du roman FNAC 2023, Andréa donne une ampleur nouvelle à l’univers romanesque qu’il construit : 580 pages ne sont pas de trop pour permettre à Viola et Mimo de découvrir ce qu’ils sont authentiquement, à travers toutes les facettes de leur personnalité qu’ils déploient pour survivre aux violents cahots de l’Histoire italienne. De la Première Guerre mondiale au tremblement de terre de 1946, ils se quittent souvent et se retrouvent toujours. Les multiples rebondissements et épisodes qui secouent leur existence, celle du village de Pietra d’Alba, celle de la famille Orsini, celle de l’Italie en proie au fascisme ne parviennent pas à briser les étranges liens qui les unissent.

Échapper au déterminisme de sa condition

Avec Mimo et Viola, les “jumeaux cosmiques”, la vie n’attend pas pour se déployer dans l’excès et l’étrange. Viola est en quête d’un avenir à la mesure de ses désirs incompatibles avec sa condition de femme et d’héritière d’une grande famille génoise. À peine sortie de l’enfance, elle mobilise son entourage pour construire un avion afin de s’échapper du palais par la voie des airs. Nain intrépide, apprenti tailleur de pierre partage avec Michel-Ange son prénom mais aussi son génie de sculpteur, Mimo est chassé, à dix-sept ans, de l’atelier de sculpture florentin où ses pairs jalousent son talent. Il sombre dans les bas-fonds au bord de l’Arno et gagne sa vie au sein du cirque Bizarro, mettant en scène un combat entre nains et dinosaures. Aux plongées dans les abîmes succèdent des ascensions que la force du génie impose et dont, parfois, les méandres de la politique mussolinienne ou vaticane disposent.

Transgresser les tabous

Pour faire face à l’adversité, Viola et Mimo transgressent les tabous. Ceux de la politique pour l’une, et ceux de l’art religieux pour l’autre. Le génie du sculpteur se manifeste avant tout dans sa capacité à appréhender les sujets qui s’imposent à lui par le jeu des commandes. À 20 ans, sa représentation de Saint-Pierre – stupéfait et effrayé d’avoir reçu la clef du Paradis – manifeste une compréhension de la responsabilité pesant sur le chef de l’Eglise que seul perçoit le futur pape Pie XII, ses commanditaires criant au scandale. Quant à sa Piéta, elle est à l’origine de tels troubles psychiques et physiques chez ceux qui se précipitent pour la contempler qu’il faut la mettre à l’écart et même l’enfermer. Comment admettre l’idée qu’au cours de sa passion la souffrance du Christ est telle qu’il ne peut être représenté que sous les traits d’une femme, Viola, auquel Mimo survit sans jamais pouvoir l’oublier, sa force créative n’ayant plus comme seul but que de célébrer ce que leur histoire a d’universel.

Poursuivre jusqu’à son dernier souffle la vérité et l’universel

« Sculpter, explique-t-il à un apprenti, c’est très simple. C’est juste enlever des couches d’histoires, d’anecdotes, celles qui nous sont inutiles, jusqu’à atteindre l’histoire qui nous concerne tous, toi et moi et cette ville et le pays entier, l’histoire qu’on ne peut plus réduire sans l’endommager. Et c’est là qu’il faut arrêter de frapper. »

C’est à ce résultat que Jean-Baptiste Andréa est parvenu : conduire le fil de son récit jusqu’au point d’équilibre le rendant passionnant et accessible à tous ses lecteurs. Nous nous interrogeons avec lui sur le mystère de cette femme qui veille sur une ourse autant que l’animal veille sur elle. Nous vibrons avec Mimo lorsqu’il découvre les peintures de Fra Angelico à la lueur des éclairs. Nous nous sentons concernés par l’injonction finale : voir, encore et encore, contempler inlassablement les chefs d’œuvre avec la puissance d’un regard intérieur qui parvient à une autre forme de compréhension, bien au-delà de la mort et du ciel encore noir.

Références

  • Jean-Baptiste Andrea, Veiller sur elle, L’Iconoclaste, 2023, Prix du roman Fnac
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  1. Fouques 28 janvier 2024 à 12 h 03 min-Répondre

    Je referme la dernière page .. et je m interrogé ce est réel? Fiction ?? En faite les deux ..Jean Batiste Andrea m a fait découvrir l Italie des bas fond comme les hauts lieux ., je m y suis promenée et c est au détour des pages que j ai vue le travail de la pierre pour faire naître des chefs d ouvre !..
    Et que dire de l amour entre deux être que Touts sépare ??
    Un livre que je recommande
    A lire … laissez reposer quelques temps et le relire

  2. Alvado Almeida 25 février 2024 à 16 h 28 min-Répondre

    Je viens de terminer ce roman et j’éprouve une grande satisfaction d’avoir fait partie de cette épopée historique et romanesque. Très belle histoire. Je recommande vivement !

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