Les ateliers de L’ïle des mots ont lieu à Paris, dans le 13ème arrondissement, pendant l’automne, l’hiver et le printemps. L’été ils se « délocalisent » en Bretagne.
Pourquoi une île, pour l’écrit, la lecture, les mots à quelques stations de métro de la Tour Montparnasse ?
Pour retrouver, le temps de l’atelier, la présence et l’unité au coeur de « l’indéterminé », du « zigzaguant », du « passionnel » de la grande ville…
Relisons Le Migrateur qu’Henri Thomas a écrit sur l’île d’Houat (au large de Quiberon)
« A la pointe de l’île, devant les trois îlots, je ressens plus que jamais la présence, l’unité, la splendeur déterminée de l’espace global. L’indéterminé, le zigzaguant, le cafouillant, l’abstrait et le passionnel ensemble – c’est la ville refermée autour de l’homme et de la femme et qui les provoque en limitant la vue et le mouvement. C’est pourquoi je ne hais pas la tour Maine-Montparnasse : elle m’élève, me rend l’espace sensible dans une certaine mesure. » (Le Migrateur, éditions Gallimard, 1983, p. 109°).
J’ai eu la chance d’interviewer Henri Thomas à la fin des années 1980, alors qu’il avait abandonné l’ïle d’Houat, trop rude pour sa santé (il avait alors 77 ans). Pour lui, Lire et écrire, ce n’était pas seulement mieux vivre, c’était le tout de la vie. La littérature l’avait sauvée, à 15 ans . A 77 ans il affirmait toujours « Je ne suis que par la littérature. Je vis intégralement de ça. » Et il se rappelait ainsi de ses quinze ans : « J’étais complètement révolté. Je voulais l’absolu. C’est peu de choses n’est-ce pas ! Je pensais ne trouver l’absolu que dans les mots. J’ai eu la chance d’écrire à l’âge où Rimbaud écrivait et de le lire à l’âge où il avait écrit. Cela crée une osmose unique. Je le savais par coeur instantanément. J’étais dedans. Je n’éprouvais pas le besoin d’en parler. Rimbaud m’a sauvé, je peux le dire, physiquement et moralement, comme il a sauvé Claudel. « Le mystique à l’état sauvage ». Quand je lisais dans Rimbaud : « Oh, monde, et le chant clair des malheurs nouveaux ! », cela me mettait hors de moi. J’avais une édition rare de Rimbaud, celle établie par Claudel, et je l’avais annotée partout dans les marges et puis on me l’a prise au collège. J’ai tout perdu ». (« Henri Thomas, le parcours d’un migrateur », grand entretien avec Aliette Armel, Magazine Littéraire, juillet-août 1989, n° 287-288).